Ruanda

 

Peu commune, l’aventure de Jean R.

En allant enquêter à son domicile, au fond d’une paisible vallée neuchâteloise, le GREPI ne s’attendait pas à entendre ce récit, digne de Bob Morane... ou de Gilles Novak!
Le cadre en est l’un des épisodes les plus tragiques de l’histoire récente: le génocide ruandais, lors duquel des centaines de milliers, voire près de deux millions de personnes, tutsies pour la plupart, furent victimes de massacres aveugles que rien ne put contenir.

6 Avril 1994 vers 21 heures: le président Habyarimana trouve la mort dans son avion qui explose en vol. C’est le signal, le génocide commence la nuit même. Trois jours après, la haine meurtrière se déchaîne dans la région ou habite la belle famille de Jean R. Les maisons des Tutsis sont incendiées après pillages, les survivants de ces premiers massacres se réfugient dans les lieux de vie collectifs (églises, dispensaires paroissiaux, stades).
Ces refuges précaires sont systématiquement attaqués. Tout ceux qui y sont réfugiés sont exterminés (plus de 90% des Tutsis du Ruanda selon l’ONU). A Cyanika, 30'000 personnes seront assassinées dans la cathédrale et les alentours entre le lever et le coucher du soleil. Ce genre de massacre se répétera en des dizaines d’endroit dans tous le Ruanda.

Parallèlement au génocide, la guerre fait rage... Voyant la partie perdue, les génocidaires, dont l’organisation et les membres les plus importants se confondent avec les corps constitués de l’État ruandais, contraignent à l’exil plus de 2 millions de personnes. Ils se réfugient dans les pays voisins où ils se regroupent dans de gigantesques camps de réfugiés. Les télévisions du monde entier ont montré, non sans mauvaise foi, ces événements. Les images les plus nombreuses concernaient l’exode des tueurs et des populations sous influence, oubliant que ces derniers venaient d’exterminer au tournevis et à la machette près de 2 millions de leurs compatriotes.

Pendant ce temps, Jean R. et son épouse Claire, comme tous les Tutsis, étaient plongés dans le désespoir le plus total. Ils savaient, sans avoir de nouvelles, que les chances de revoir vivants les leurs étaient ténues.
Un soir de fin juin, en regardant le journal de 20 heures sur Antenne 2, l’incroyable se produit: là, devant elle, sur l’écran, Claire R. reconnaît sa mère, de profil, qu’une caméra a saisie pendant quelques fugaces secondes. Elle est vivante, il en reste au moins une, dans le camps de Nyrushishi au sud du Ruanda, non loin de la ville zaïroise de Bukavu. Jean R. décide sur-le-champ de partir pour ramener sa belle mère en Suisse.

C’est ainsi que le mardi 20 juillet 1994, notre ami se retrouve à Cyangugu, à l’extrême sud du Ruanda. Il accompagne un détachement de légionnaires français (2ème REI, capitaine G. Ancel). C’est grâce au contact qu’il a eu la précaution de prendre avant son départ que l’armée française a accepté de l’aider dans sa tentative de sauvetage de ceux qui restent. Jean parvient au camp de Nyarushishi, où il retrouve, avec émotion, pas moins de onze membres de sa belle-famille! De là les légionnaires les conduisent à Bukavu. Mais le plus dur reste à faire: la ville-frontière est le théâtre d’un invraisemblable chaos, mêlant quelques réfugiés tutsis, plusieurs centaines de milliers de Hutus et de génocidaires en fuite, aux habitant de la ville.

C’est au prix d’une course effrénée dans cette poudrière, échappant plusieurs fois à la mort de justesse, que Jean R. parviendra à trouver un moyen de transport pour fuir avec les membres de sa famille et d’autres Tutsis du voisinage, en tout une soixantaine de personnes, de cet enfer où à chaque seconde la mort peut surgir.

Arrive alors l’étape cruciale de cette fuite vers la liberté, vers la vie: lors du trajet de Bukavu à Bujumbura, au Burundi voisin, le minibus loué par Jean doit nécessairement emprunter la piste de la corniche, sur laquelle sont installés plusieurs check-points des tueurs ruandais. Ils le savent, ils les ont vu passer, lourdement armés, à quelques mètres de leur fragile refuge dans le courant de l’après-midi du vendredi 23. Enfin, on n’a pas le choix. A la grâce de Dieu!

Et Jean n’en croit pas ses yeux. Tout au long des 25km de route sinueuse où les barrages auraient dû se succéder, il lui semble que le bus se déplace dans un tunnel de réalité différente: assis à l’avant, à côté du chauffeur, il cesse de percevoir le murmure de la jungle, il ne sent plus la moiteur de la nuit, la route paraît rectiligne... et pas un soldat pour les arrêter! Il est entre 4 et 5 heures du matin, ce samedi 24 juillet. Jean est exténué, après des jours de marche à travers une ville où la tension est permanente, et quelques rares moment de sommeil. Mais pendant ce trajet, il reste sur un constant qui-vive, la main sur la bonne poche, pour tendre tout de suite le bakchich qui pourrait se révéler salvateur. Pour la seule fois de son périple, il fera des économies! Et il s’est véritablement senti protégé par une force dont il n’explique pas la nature.

Puis soudain tout redevient normal, les passagers à l’arrière du bus se remettent à bouger, les enfants recommencent à pleurnicher, les senteurs de la forêt équatoriale emplissent à nouveau la cabine, et le premier point de contrôle se présente. C’est très tendu, les soldats zaïrois parlent de liquider les occupants du bus qui sont selon eux responsable de la mort du le président ruandais (ce sont des Tutsis), mais ils arrivent à passer et déjà s’éloignent du périmètre mortel.

Apparemment Jean est le seul à avoir ressenti cette impression d’irréalité. Son cousin Sylvain, participant à cette épopée, a vécu pour sa part un trajet ordinaire. La responsabilité de Jean dans cette entreprise, lui faisant sentir la charge d’une trentaine de personnes entassées dans le véhicule, pourrait-elle être à l’origine de sa perception différente? Sylvain confirme, cependant, le calme complet régnant sur le bus pendant ce trajet (mais il l’attribue à l’état de fatigue générale).

Jean aurait peut-être oublié cet épisode si, après son retour en Suisse, suivant une thérapie pour une affection dont il souffrait antérieurement à son expédition africaine, il n’avait reçu des informations pour le moins étonnantes. Le biologiste qui traite son cas procède, dans le cadre de cette thérapie, à l’examen microscopique d’un de ses cheveux: celui-ci révèle des caractéristiques "non-humaines"!... Ce thérapeute, qui fait montre de dons s’approchant de la voyance, lui déclara avant qu’il n’ait pu ouvrir la bouche:

- Vous revenez d’un pays troublé... La Bosnie, peut-être? Et vous avez été protégé! (Il décrit même cette protection comme la mise en œuvre d’un moyen technique inconnu des humains qui rend invisible.)

- Ce n’était pas la Bosnie, mais le Ruanda... ?!... Et d’après vous, qu’y a-t-il derrière ces massacres?

- Eh bien, je pense que ce sont les Petits Gris...

Les Petits Gris? Voilà une idée qui peut surprendre! Et pourtant... La soudaineté de ces tueries, et la participation générale et immédiate de quasi toute la population hutue, femmes et enfants compris (à de rares exceptions près) à ce qui restera comme une des plus grandes boucheries de ce siècle, tout cela paraît, aux yeux de Jean, tout à fait anormal, d’autant plus que lors des discussions ultérieures avec ses beaux-parents il ressort ce qui suit.

Ecoutons ce que raconte Sylvain, qui vécut dans les premiers jours du génocide des moments véritablement infernaux, échappant par miracle (et grâce à une présence d’esprit remarquable) à une mort atroce:

"Le 14 avril 1994, nous nous trouvions à une trentaine de minutes du camp de Nyarushishi. La pluie tombait par averses intermittentes. Vers 21 heures, un objet s’approcha très lentement dans le ciel, projetant un rayon de lumière vers nous. Les 5000 personnes qui se trouvaient là l’ont vu. Nous pensions que c’était la télévision, pour nous filmer. Tout le monde était content: si le monde savait, on viendrait à notre secours! L’objet était triangulaire, et se déplaçait très doucement, la pointe vers l’avant. Après être resté stationnaire, il est reparti de la même façon. Il se trouvait à environ 20° sur l’horizon.

"Le même engin réapparut le 29 avril 1994. Après avoir tenté de nous évader du stade de Cyangugu, pour échapper à une exécution qui nous paraissait inéluctable, on nous y ramena et nous nous trouvâmes sous le feu des roquettes jusqu’à six heures du soir. L’objet apparut à nouveau vers 21 heures, au-dessus de la cathédrale, à l’ouest. Un projecteur éclaira obliquement le stade, pendant ½ heure. Nous ne l’avons pas vu arriver, ni repartir, trop occupés que nous étions à préserver nos vies.

"Le lendemain, RFI annonçait que 3000 personnes avaient été massacrées."

La Croix-Rouge ne put accéder au stade de Cyangugu que le 4 mai.

Les troupes de l’opération Turquoise, elles, n’y arrivèrent que le 20 juin 1994, à 18h30.